Les relations professionnelles peuvent être houleuses voire outrageantes. Parfois, un salarié peut être victime de propos diffamatoires. Le droit pénalise la diffamation. Celle-ci dispose de moyens de recours pour se défendre dans une telle situation. Trouvez ici toutes les clés pour faire face à de fausses accusations au travail.

I - Qu’est-ce que la diffamation au travail ?

Le principe est la liberté d’expression (art. 11 de la DDHC de 1789), y compris en entreprise (art. L. 1121-1 du C.trav.).

Néanmoins, ce principe est encadré. Certains propos peuvent être pénalisés. Tel est le cas de la diffamation qui doit être distinguée de notions voisines.

Définition : il s’agit de l’allégation ou l’imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne (art. 29 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse).

À NOTER : c’est une infraction pénale pénalisée par une amende de 12 000 euros en cas de diffamation publique (art. 32 de la loi de 1881) et par une amende de 38 euros en cas de diffamation non publique (art. R. 621-1 et 131-13, 1 du Code pénal).

ATTENTION : si elle est discriminatoire, la diffamation publique est sanctionnée par une amende de 45 000 euros et un an d’emprisonnement (art. 32 de la loi de 1881) et par une amende de 1500 euros si elle est non publique (art. R. 621-8 et 131-13, 5 du Code pénal).

La diffamation n’est pas intégrée dans le C.trav., mais elle peut constituer une forme d’humiliation au travail si elle est établie dans ce cadre.

Exemples de diffamations en entreprise

Exemple 1 - On m’accuse de vol à tort comment réagir ?

Si par exemple un employé en grande distribution est accusé, à tort, par sa direction, d’avoir volé des produits en réserve, il s’agit d’une diffamation si l’accusation a pour effet de porter atteinte à sa réputation.

Exemple 2 - Accusation fallacieuse de harcèlement au travail

Dans une telle situation, l’accusé peut également exercer un recours si cette position porte atteinte à son honneur ou à sa considération.

À NOTER : trois éléments matériels doivent être caractérisés :

  1. Allégation/imputation d’un fait ;
  2. Qui porte atteinte à l’honneur/la réputation ;
  3. Les moyens diffamatoires peuvent être divers (cris, discours, écrit, dessin, peinture… art. 23 de la loi de 1881).

Qui peut proférer des accusations mensongères contre un salarié ?

L’employé qui fait l’objet de fausses accusations venant tant de son employeur que de ses collègues mais il faut faire attention à certaines confusions courantes. Il faut donc être attentif, car toutes les situations ne relèvent pas de la diffamation.

Confusion 1 avec le dénigrement d’un salarié par l’employeur

Ce n’est pas une infraction pénale contrairement à la diffamation. La liberté d’expression en entreprise permet de tenir des propos, y compris dénigrants.

À NOTER : ces comportements peuvent constituer des faits de harcèlement moral s’ils sont répétitifs et aboutissent à dégrader ses conditions de travail. La caractérisation du délit impose d’autres éléments (v. art. 222-33-2 du Code pénal et L. 1152-1 du C.trav.).

ATTENTION : s’il s’agit de fausses allégations qui visent à ternir la réputation ou à porter atteinte à l’honneur, il s’agit de diffamation.

Confusion 2 avec la dénonciation calomnieuse au travail

Établir des faits, faux ou inexacts, de nature à entraîner une sanction disciplinaire, judiciaire ou administrative (art. 210-6 du Code pénal). Contrairement à la diffamation, la calomnie n’impose pas une atteinte à l’honneur ou à la réputation. En revanche, l’allégation inexacte risque d’aboutir à une sanction pour la personne dénoncée. L’accusation doit être faite auprès d’une autorité, comme un supérieur hiérarchique.

Confusion 3 avec l’injure au travail

Expression outrageante, termes de mépris ou invective à l’égard d’un collaborateur, d’un collègue ou d’un employeur. Contrairement à la diffamation, l’injure ne renferme l’imputation d’aucun fait à l’égard de la personne insultée.

II - Comment se défendre d’une accusation mensongère au travail ?

Pour se défendre d’une accusation diffamatoire, l’accusé peut déposer plainte dans un délai déterminé, à condition de rapporter la preuve de la constitution du délit.

Sous quel délai la victime peut agir en justice ?

La plainte pour diffamation peut être déposée dans un délai de 3 mois à compter du jour où les faits ont été commis (art. 65 de la loi de 1881).

Il passe à 1 an si les propos diffamatoires sont discriminatoires (art. 65-3 de la loi de 1881).

Au-delà, il y a prescription : le collaborateur diffamé ne peut alors plus agir.

Comment prouver celle-ci ?

Pour établir ce type de faits dont il a fait l’objet, le salarié pourra prouver par tous moyens : témoignages, écrits, mails, SMS…

Fausse accusation au travail, que faire ?

1 - Avertir les IRP puis la direction des RH

Avant de saisir une juridiction, l’employé peut se rapprocher des instances de représentation du personnel et/ou de la direction des ressources humaines pour régler la situation en interne et éviter des poursuites.

2 - Porter plainte pour diffamation au travail et préjudices

Dans de telles circonstances, le collaborateur qui subit de fausses accusations a le droit de déposer une plainte. Elle sera transmise au Procureur de la République (il est également possible de porter plainte devant lui directement, art. 40 CPP).

ATTENTION : une telle démarche peut aboutir à une détérioration de sa réputation professionnelle voire à une perte de revenus si l’employeur trouvait un motif pour mettre fin à la relation professionnelle.

3 - Saisine du CPH

Le Conseil de prud’hommes peut être saisi du moment où un litige prend source dans la relation individuelle professionnelle (art. L. 1411-3 du C.trav.). Néanmoins, la dimension pénale de la diffamation imposera l’intervention du Tribunal pénal.

À NOTER : la représentation du salarié par un avocat est optionnelle durant l’audience prud’hommale de première instance.

III - Quelles conséquences pour les parties si les déclarations mensongères sont avérées ?

Quelles sanctions encourent l’employeur ou le collègue qui a tenu des propos diffamatoires au travail ?

L’auteur encourt une peine d’amende de 38 euros (diffamation non publique, si le cercle de personnes qui ont eu connaissance des faits est restreint) voire 12 000 euros si elle est finalement considérée comme publique.

La répression peut aller jusqu’à 1 an d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende si les faits sont discriminatoires.

À NOTER : un employé qui serait auteur d’allégations mensongères pourrait être soumis à une procédure de licenciement pour faute grave.

Quels sont les droits de la victime ?

Elle se verra octroyer des dommages et intérêts pour le préjudice subi sur le plan civil (art. 1240 du Code civil et Cass. soc., 13 avril 1976, n° 74-40.372).

Si le collaborateur avait été licencié à la suite des dénonciations diffamatoires, il pourra demander à être réintégré dans l’entreprise si le licenciement est qualifié de sans cause réelle et sérieuse par le Conseil de prud’hommes (art. L. 1235-3 du C.trav.).

À NOTER : un rectificatif peut être publié à la demande du salarié en cas de diffamation en public.

IV - Comment faire appel de la décision du Conseil de prud’hommes en cas de satisfaction partielle ou de rejet de la demande ?

En cas de satisfaction partielle ou de rejet de la demande par le Conseil de prud’hommes, le salarié dispose d’un délai d’1 mois pour interjeter appel (art. R. 1461-1 du C.trav.).

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