La rétrogradation consiste à abaisser la rémunération et la position d’un salarié dans la hiérarchie de l’entreprise. Parce qu’elle entraîne de lourdes conséquences, cette sanction est strictement encadrée par le droit du travail. Elle doit notamment être acceptée par le salarié pour être appliquée. Explications.

Qu’est-ce que la rétrogradation ?

La rétrogradation est une sanction disciplinaire consistant en un déclassement hiérarchique, changement de poste ou une perte de responsabilités accompagnée d’une baisse de rémunération. Cette décision ne peut s’analyser en agissement répétés constitutifs de harcèlement moral.

Elle peut aussi être mise en œuvre non pas en tant que sanction, mais pour pallier l’insuffisance professionnelle du salarié à son poste actuel.

La rétrogradation doit être sérieusement justifiée. Sinon, elle est assimilée à une sanction pécuniaire, qui est interdite par la loi (article L. 1331-2 du Code du travail) et passible d’une amende de 3 750 € pour l’employeur (article L.1334-1 du Code du travail).

A savoir

Une rétrogradation consistant en un changement de qualification avec une simple baisse de salaire sans changement de fonction ou de responsabilités est considérée comme une sanction pécuniaire, et est donc interdite (Cour de cassation, chambre sociale, 23 février 1994, pourvoi n° 90-45001).

Une procédure rigoureusement encadrée

La possibilité que s’octroie l’employeur de rétrograder ses salariés doit figurer au règlement intérieur de l’entreprise dès lors que celle-ci compte au moins 20 salariés. Si l’employeur rétrograde un salarié, même avec l’accord de celui-ci, sans que le règlement intérieur ne l’y autorise, la sanction pourra être annulée par le juge prud’homal. Tout se passera donc comme si elle n’avait jamais figuré au dossier disciplinaire du salarié.

De plus, l’employeur souhaitant rétrograder un salarié est tenu de respecter la procédure disciplinaire et de le convoquer à un entretien préalable (article L. 1332-2 du Code du travail). La convocation doit être envoyée par courrier recommandé avec accusé de réception, ou remise en main propre. Elle doit mentionner l’objet de l’entretien, mais pas nécessairement la nature de la sanction envisagée. L’employeur doit aussi préciser au salarié qu’il a la faculté de se faire assister pendant l’entretien. Après l’entretien, l’employeur doit notifier au salarié sa décision de le sanctionner, toujours par courrier recommandé, ou remis en main propre, au moins 2 jours ouvrables après l’entretien et au plus tard un mois après. Aucune sanction ne peut être prise à l’encontre d’un salarié qui n’a pas été informé des griefs qui lui sont reprochés (Article L 1332-1 du code du travail).

Le salarié peut refuser sa rétrogradation

Contrairement aux autres sanctions, le salarié a le droit de refuser sa rétrogradation (Cour de cassation, chambre sociale, 25 avril 2001, pourvoi n° 99-41681). En effet, la rétrogradation impliquant une modification de son contrat de travail, l’accord du salarié est nécessaire. L’accord du salarié doit être matérialisé par un écrit.

Dans la pratique, l’employeur est tenu d’informer le salarié de ce droit de refus lorsqu’il lui notifie la sanction (Cour de cassation, chambre sociale, 28 avril 2011, pourvoi n° 09-70619). Le salarié dispose ensuite d’un délai raisonnable pour accepter ou refuser la sanction. Le silence ne vaut pas acceptation, ni la poursuite du contrat de travail aux conditions nouvelles (Cour de cassation, chambre sociale 1er avril 2003 n°01-40389).

A savoir

Lorsque la rétrogradation est acceptée par les deux parties, elle doit être matérialisée par la signature d’un écrit ou d’un avenant au contrat de travail. A défaut, le salarié pourra toujours revendiquer ses anciennes fonctions et rémunération. Le salarié pourra également se retourner contre son employeur pour modification de son contrat de travail (Cour de cassation, chambre sociale 17 juin 2009 n°09-44570)

Que se passe-t-il en cas de refus du salarié ?

En cas de refus du salarié, l’employeur pourra toujours prononcer une nouvelle sanction. Il peut choisir une option moins sévère, comme la mise à pied, l’avertissement ou le blâme. Mais il peut aussi prononcer le licenciement du salarié (Cour de cassation, chambre sociale, 11 février 2009, pourvoi n° 06-45897), si les fautes ayant motivé la rétrogradation initiale sont suffisamment graves. La lettre de licenciement devra énoncer précisément les motifs de la rupture, le renvoi aux motifs contenus dans la lettre notifiant de la rétrogradation, est insuffisant. En revanche, l’employeur ne pourra en aucun cas se servir du refus du salarié d’être rétrogradé pour justifier son licenciement.

Une fois la sanction de substitution choisie, l’employeur devra une nouvelle fois convoquer le salarié à un entretien préalable, sauf si la sanction envisagée est un simple avertissement (article L. 1332-2 du Code du travail). Après l’entretien, l’employeur devra notifier au salarié sa décision, en en précisant les motifs. L’employeur ne peut se contenter de renvoyer à ceux invoqués dans la notification de la rétrogradation ; à défaut, il y aurait absence de motivation, et la sanction serait nulle (Cour de cassation, chambre sociale, 29 mai 1997, pourvoi n° 94-44119)

A savoir

L’employeur est tenu de respecter le délai de prescription des fautes à l’origine de la sanction (article L. 1332-4 du Code du travail). Ainsi, passé un délai de 2 mois à compter de la connaissance de la faute, il ne peut plus convoquer le salarié à l’entretien préalable ou le sanctionner. Lorsqu’il y a eu refus de rétrogradation par le salarié, ce délai court à partir de la date du refus, et un arrêt maladie du salarié n’a pas pour effet de suspendre le délai de prescription (Cour de cassation, chambre sociale 28 avril 2011 n°10-13979)

Le salarié rétrogradé ou muté à titre disciplinaire, est en droit de refuser la période d’essai sur le nouveau poste ; si une rupture de contrat s’ensuit, cette rupture s’analyse en un licenciement qui ouvre droit au profit du salarié à des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (Cour de cassation, chambre sociale 17 février 1993 n°88.45539)

Que faire si l’employeur impose unilatéralement une rétrogradation ?

La rétrogradation nécessitant obligatoirement l’accord du salarié, l’employeur imposant cette modification unilatérale du contrat de travail est en tort. Le salarié peut porter l’affaire devant le Conseil de prud’hommes et exiger :

  • soit d’être réintégré à son poste initial, avec son ancien salaire. Dans ce cas, l’employeur ne pourra plus prononcer de nouvelle sanction en substitution de la rétrogradation (Cour de cassation, chambre sociale, 17 juin 2009, pourvoi n° 07-44570) ;

  • soit de constater que l’employeur a commis une voie de fait (comportement portant ouvertement atteinte à ses droits) et demander à bénéficier des effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse (Cour de cassation, chambre sociale, 29 mai 2013, pourvoi n° 12-13437).

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