Les droits au chômage dont bénéficient le salarié peuvent dépendre du type de rupture du contrat. Pourtant, quand les conditions de travail sont de nature à lui porter préjudice (harcèlement moral, discrimination…), partir se revêt être la solution. Encore faut-il pouvoir bénéficier de l’ensemble de ses indemnités. C’est pourquoi une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail peut être préférée (sauf pour les personnes en période d’essai) à la prise d’acte si l’employeur manque gravement à ses obligations contractuelles. Cette rupture, si elle est approuvée par les Juges, est considérée comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

I - Qu’est-ce qu’une résiliation judiciaire du contrat de travail ?

Définition selon le Code du travail et la jurisprudence

Les articles L1231-1 et suivants du Code du travail fixent les règles applicables en matière de rupture du contrat de travail à durée indéterminée (CDI). Dès l’instant où il y a manquement aux obligations contractuelles de l’employeur de nature à empêcher la continuité du contrat, le salarié est légitime à demander la résiliation judiciaire.

En matière contractuelle, une partie peut résoudre le contrat :

  • Soit parce qu’il contient une clause résolutoire ;
  • Soit par notification (résiliation unilatérale) ;
  • Soit par la saisine du Juge (résiliation judiciaire).

Avant la réforme du Code civil, la jurisprudence utilisait le terme générique de résolution. Toutefois, elle faisait la distinction entre la résiliation pour rupture non rétroactive du contrat (absence de restitution) et résolution pour rupture rétroactive du contrat même si en pratique le but est le même : rompre le contrat.

Ainsi, en droit du travail, la résiliation consiste à mettre un terme au contrat (Cass. soc. 17 mars 1998, n° 96-41884). En droit commun, le législateur utilise le terme résolution, mais continue de faire la distinction entre résolution et résiliation, notamment à l’article 1229 alinéa 3 du c. civil pour sanctionner une inexécution contractuelle. C’est sur le fondement de l’ancien article 1184 du c. civil que s’appuie la jurisprudence pour la résiliation judiciaire.

ATTENTION : en matière de CDD, l’article L1243-1 c. du travail prévoit les cas de rupture du contrat. La résiliation judiciaire peut intervenir avant le terme du contrat à condition que le salarié ait exprimé une volonté claire et sans équivoque de rompre le contrat de travail pour manquement de l’employeur à ses obligations (Cour de cass. Ch. Soc., 3 juin 2020, pourvoi n°18-13.628, publié au bulletin). Il doit s’agir d’une faute grave ou d’une force majeure.

Quelle différence entre la prise d’acte et la résiliation judiciaire ?

Les effets d’une résiliation judiciaire sont moins risqués pour le salarié. Puisque, dans une prise d’acte, le résultat peut aboutir à un licenciement injustifié si la demande de l’employé est reçue positivement par les Juges, à défaut, il s’agit d’une démission avec les conséquences associées.

À contrario, dans la résiliation judiciaire, si les Juges prud’homaux font droit à sa demande, le licenciement est donc sans cause réelle et sérieuse. À défaut, le contrat de travail est maintenu comme si « de rien n’était ». Il ne perçoit néanmoins aucune indemnité.

Qui peut engager une telle demande en justice ?

Le contrat de travail étant conclu intuiti personae, autrement dit en considération de la personne, il revient au salarié d’en faire la demande. Toutefois, il existe un cas où l’employeur peut être à l’initiative d’une résiliation judiciaire, c’est pour le contrat d’apprentissage, si l’apprenti commet une faute grave durant les 45 premiers jours suivant la signature du contrat.

Quels manquements de l’employeur peuvent conduire à la résiliation judiciaire du contrat de travail du salarié ?

Les cas de manquements :

  • Impayés de salaire, ainsi que de ses heures supplémentaires ;
  • Il subit une discrimination au travail ; des faits de harcèlement au travail
  • Manquements aux règles d’hygiène et de sécurité par l’employeur ;
  • Il fait face à des propos dénigrants, cela porte atteinte à son image, sa réputation dans l’entreprise (autorité, fonctions…) ;
  • La modification unilatérale du contrat de travail par l’employeur par exemple sur la nature des tâches confiées, sans accord préalable du salarié (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 20 mai 2009, 08-41.178, Inédit) ;
  • Suppression des éléments indispensables à l’exercice de son travail (véhicule pour se déplacer… ).

Comment le salarié peut-il prouver les manquements contractuels de sa hiérarchie ?

Cela dépend du type de manquement reproché. Par exemple, une atteinte à sa dignité, des faits de harcèlement… peuvent être corroborés par des témoignages. Des preuves matérielles comme des SMS, e-mail, rapports médicaux sur son état de santé suite aux faits reprochés ; la privation de certains droits dont il bénéficiait (voiture professionnelle…)… Quoi qu’il en soit, l’analyse se faisant au cas par cas, les preuves sont laissées à l’appréciation des Juges.

II - Comment obtenir la résiliation judiciaire du contrat de travail ?

Procédure de résiliation judiciaire du contrat de travail

Le salarié muni de ses preuves saisit le Conseil de prud’hommes pour demander la résiliation judiciaire.

À NOTER : la représentation du salarié par un avocat est optionnelle durant l’audience prud’hommale de première instance.

Que devient le salarié tant que la résiliation judiciaire n’est pas prononcée ?

Le contrat de travail étant maintenu, le salarié continue d’exercer ses fonctions au sein de l’entreprise. Sauf si l’employeur décide postérieurement à la saisine du CPH par l’employé de le licencier pour des faits différents de ceux invoqués par le salarié. Dans ce cas, si la résiliation judiciaire est un échec, le Juge se prononcera par la suite sur le licenciement (Cour de cass., civ., Ch. Soc., 6 février 2019, pourvoi n°17-26.562, Inédit). Les manquements reprochés à l’employeur s’apprécient au jour où les Juges statuent. Toutefois, ces derniers peuvent tenir compte de toute régularisation de l’employeur intervenue jusqu’à la date de licenciement pour apprécier la justification de la demande en résiliation judiciaire lorsque cette demande est suivie de celle en licenciement. À contrario, en l’absence de licenciement ou si le contrat est maintenu après la saisine du Juge et que le manquement est régularisé en cours de procédure, cela peut entraîner le rejet de la demande de résiliation judiciaire (Cour Cass. Soc., en date du 28 novembre 2018, pourvoi n°17-22.724).

Sous quel délai peut-elle être obtenue ?

Hormis les procédures d’urgence, c’est-à-dire le référé avec une durée moyenne de 2 mois pour rendre une décision, la durée des procédures classiques varie selon les affaires. En moyenne, devant le CPH, une procédure peut durer entre 6 mois et 36 mois.

À l’audience, à la fin des débats, le Juge rend sa décision, à défaut, il précise une date pour le jugement.

Pour la résiliation judiciaire, s’il y a échec de la procédure de conciliation, le BCO peut orienter les parties devant le bureau de jugement en formation restreinte avec leur accord, qui se prononcera dans un délai de 3 mois.

ATTENTION : Le Juge des référés ne peut être saisi en demande de résiliation judiciaire pour accélérer la procédure, car cela excède ses pouvoirs (Cour de cassation - Chambre sociale, 13 mai 2003, pourvoi n° 01-17.452). Cependant, rien n’interdit au salarié de faire une procédure parallèle en référé pour obtenir par exemple le paiement de ses salaires.

À quelle date la résolution du contrat de travail prend effet ?

C’est à la date du jugement, si à cette date le contrat de travail n’a pas été rompu, que le salarié travaille toujours pour son employeur (Cour cass. 22 juin 2022, n° 20-21.411). Idem pour un CDD. En cas de licenciement intervenu durant cette procédure, c’est à la date de rupture du contrat. Enfin, si la résiliation est validée en première instance et confirmée en appel, la date est celle du prononcé de la décision des seconds Juges, en raison de l’effet suspensif de l’appel. Et ce, dès lors que le contrat n’a pas encore été rompu à la date de l’arrêt confirmatif et que le salarié était au service de son employeur.

Est-ce qu’un autre type de rupture du contrat de travail peut intervenir durant cette procédure prud’homale ?

C’est possible, l’on parle de coexistence de plusieurs actions - dont la résiliation judiciaire et :

  • La démission : celle-ci devient sans objet puisqu’il démissionne. Mais rien n’empêche le salarié de faire requalifier sa démission en prise d’acte et demander une réparation ;
  • La rupture conventionnelle : cette dernière devient sans objet du fait de la rupture conventionnelle, sauf s’il conteste son homologation dans un délai d’un an ou se rétracte dans les 15 jours de sa signature ;
  • Le Licenciement (économique, pour inaptitude…), le Juge doit d’abord statuer sur la demande de résiliation judiciaire ; le licenciement ensuite en cas d’échec.

III - Quelles sont les conséquences de la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail ?

1 - Si la demande est acceptée

La requalification en licenciement sans cause réelle et sérieuse

Le salarié bénéficie alors d’une indemnisation puisque le contrat est rompu.

Quelles indemnités peut percevoir le salarié dont le contrat de travail est résilié sur décision du Juge ?

Il peut prétendre à celles de préavis, de rupture du contrat, dommages et intérêts pour licenciement abusif selon le barème Macron.

Quels effets pour un salarié protégé ?

Pour le salarié protégé, la résiliation a l’effet d’un licenciement nul. Il bénéficie de ses indemnités de licenciement, pour licenciement nul également, de congés payés et préavis. Avec remise de ses documents de fin de contrat.

Quels effets pour un salarié victime de harcèlement moral au travail ?

La résiliation équivaut à un licenciement nul. C’est plus lourd de conséquences, puisque le barème Macron n’est pas applicable dans ce cas. Il peut entre autres bénéficier d’une indemnité au moins égale à 6 mois de salaire.

2 - Si la demande est rejetée

Le salarié voit son contrat de travail maintenu

La poursuite du contrat de travail s’applique pour le salarié. Ainsi, à défaut d’une procédure ultérieure de licenciement engagée par l’employeur sur d’autres faits, le lien contractuel demeure.

Est-ce que le salarié débouté de sa demande peut faire appel de ce rejet ?

Le salarié débouté peut interjeter appel, car toute personne peut contester une décision de justice, en usant de ses voies de recours, notamment l’appel.

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