Toute la complexité d’un abandon de poste réside dans la certitude du caractère volontaire du salarié de quitter son travail. La procédure de licenciement qui s’applique pour une telle situation est strictement encadrée par le Code du travail (article L1232-1 et suivants, nouvel article L.1237-1-1). L’employeur doit s’assurer du départ délibéré de son salarié de l’entreprise dans le but de ne plus revenir. Tout départ peut présenter un problème sous-jacent qui peut influencer l’issue de la procédure pour le licencier en cas de contentieux devant le Conseil de prud’hommes (CPH). 

NOUVEAUTÉ : depuis le 23/12/22 le salarié peut être présumé démissionnaire lorsqu’il abandonne son poste.

I - Qu’est-ce qu’un abandon de poste ?

Il est perçu par la jurisprudence comme l’absence du collaborateur sur son lieu de travail, dépourvue de motif légitime et non autorisée par son employeur. Cette absence peut être prolongée durant ses heures de travail, sur plusieurs jours ou de façon ponctuelle. Le collaborateur qui quitte son poste de travail sans autorisation s’expose à des risques :

  • Être privé de sa rémunération ;
  • Dédommager la société qui l’emploie si celle-ci justifie que son absence a été préjudiciable à l’activité. 
  • Lui acquitter selon les cas une indemnité de préavis.

Une faute grave ou une simple absence injustifiée ?

Le collaborateur est tenu de remplir ses obligations contractuelles, à savoir l’exécution de son travail. Tout manquement à cette règle peut constituer une faute simple ou grave. Cette absence injustifiée peut entraîner la rupture de son contrat pour cause réelle et sérieuse.

La faute simple ne constitue pas un motif pour le licencier, mais peut motiver une mise à pied, un blâme, un avertissement… Sauf, si les agissements se répètent dans le temps. 

Quant à la faute grave, la jurisprudence a pu considérer qu’une désorganisation préjudiciable de l’entreprise à la suite d’un abandon de poste peut s’apparenter à une faute grave, encore faut-il pour la direction le justifier. 

Il peut désormais être considéré comme une présomption de démission

Pour en finir avec cette forme d’auto-licenciement, la nouvelle loi 2022 « marché du travail » prévoit un nouvel article L1237-1-1 C. du travail. Cet article, c’est en quelque sorte le contrepied de la jurisprudence traditionnelle qui se refusait jusqu’alors d’admettre qu’un salarié qui abandonne son poste est aussi démissionnaire. Désormais, il existe une présomption simple de démission

Il ne doit pas être confondu avec la prise d’acte du salarié

Sa prise d’acte consiste à prendre acte de la rupture de son contrat de travail pour les raisons suivantes : 

  • Un manquement suffisamment grave de la part de sa hiérarchie à ses obligations contractuelles ; 
  • Ce cas de figure rend impossible le maintien dans l’entreprise et donc la poursuite du contrat. 

Pour bénéficier des effets de la prise d’acte, à savoir certaines indemnités telles que l’indemnité compensatrice de congés payés, celle de licenciement sans cause réelle et sérieuse ; celle compensatrice de préavis, l’employé doit saisir le CPH afin de faire requalifier sa prise d’acte en licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse. 

II - Quelle est la procédure de licenciement pour poste abandonné ?

Avant l’article L.1237-1-1 du Code du travail, celui-ci répondait aux mêmes démarches que celui qui est fondé par motif personnel. 

1 - Mise en demeure 

L’employeur doit transmettre à son salarié une lettre recommandée avec accusé de réception lui demandant de revenir au travail et justifier son absence. En l’absence de réponse et après une convocation du salarié à un entretien préliminaire, il pourra enclencher une procédure disciplinaire en vue d’une sanction disciplinaire, afin de le licencier.

2 - Entretien préalable au licenciement

L’employeur envoie en recommandé avec AR une lettre de convocation à un entretien. Il peut être accompagné durant cette rencontre par une personne faisant partie du personnel de l’entreprise (article L1232-4 c. du travail). Selon le Code du travail, l’employeur dispose d’un délai de cinq jours minimum entre cette première convocation et la date de fixation de l’entrevue, sous peine d’irrégularité de la procédure de licenciement. S’il est absent le jour J, la procédure se poursuit. Mais, la direction doit se réserver une période de réflexion de deux jours avant de notifier le licenciement au salarié.

3 - Notification du licenciement

Selon l’article L1232-6 du Code du travail, une fois la décision de notifier le licenciement prise, l’employeur doit la transmettre à son salarié par lettre recommandée avec AR à l’expiration d’un délai minimum de deux jours ouvrables ou 1 mois maximum après la date de l’entrevue. 

Combien de temps dure un licenciement pour abandon de poste ?

L’article L1332-4 du Code du travail prévoit une prescription des faits fautifs. Au-delà de deux mois en principe, aucun fait fautif à lui seul n’est susceptible de donner lieu à une procédure disciplinaire à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance. Idem pour l’abandon de poste. La société qui l’emploie doit agir dans un délai de 2 mois afin de licencier son salarié pour cause réelle et sérieuse. Celui-ci est ramené à six semaines s’il invoque et démontre une faute grave. 

III - La procédure pour que l’abandon de poste soit reconnu comme une démission présumée

Depuis l’article L.1237-1-1 du Code du travail, la procédure est quelque peu modifiée. 

L’employeur doit toujours envoyer une lettre de mise en demeure à son salarié en vue de justifier de son absence et reprendre son travail dans un laps de temps fixé par ce dernier qui ne peut être inférieur au minimum légal. 

Mais à l’issue du délai mentionné dans la lettre, si le salarié n’a toujours pas repris son poste, il est considéré comme démissionnaire. Le délai imparti par l’employeur commence à courir à compter de la date de notification de sa mise en demeure.

Toutefois, s’agissant d’une présomption simple, il peut toujours contester cette décision de rupture du contrat de travail auprès du bureau du jugement du Tribunal prud’homal qui se prononcera sur la nature et les conséquences de la rupture. En principe, dans un délai d’un mois soumis à variation (en raison du principe du contradictoire/des règles de procédure, des moyens dont disposent les Conseils de prud’hommes…). 

IV - Quels sont les motifs de contestation d’un licenciement pour abandon de poste ?

1 - Le licenciement est intervenu sans mise en demeure préalable pour reprise de fonction

La manière dont le salarié a été licencié pour cette raison est dite irrégulière lorsque l’employeur n’a pas respecté les formalités adéquates. Par exemple, l’absence de mise en demeure de reprise de fonction. Cependant, la jurisprudence a pu considérer que même dans pareille circonstance, cela n’empêche pas de donner plein effet au licenciement.

2 - Le salarié a abandonné son poste légitimement

Il existe des justifications légitimes lui donnant le droit de quitter son poste :

  • Victime de discrimination en raison de son état de santé, ses origines, … C. du travail, articles L.1132-1 à 4 ;
  • Il subit un harcèlement moral au travail
  • Victime d’un accident de travail ou toute autre maladie professionnelle ; 
  • Exerce son droit de retrait, ou signalement d’une alerte non prise en compte pouvant représenter un danger pour lui, confère les articles L1132-3-3 et L1132-4 du Code du travail

3 - Il a repris son poste suite à son entretien préalable

En principe, si le salarié reprend son poste à l’issue de l’entretien, la procédure de licenciement peut s’arrêter. Toutefois, l’employeur peut poursuivre ses démarches en invoquant la faute simple. 

4 - Le collaborateur a justifié son absence

Le salarié peut invoquer une cause légitime d’absence. Il peut contester cette mesure et revendiquer un licenciement nul s’il se retrouve dans l’un des cas de nullité prévu par la loi (discrimination, violation d’une liberté fondamentale, …) ou injustifié. 

5 - L’employeur n’a pas respecté les délais de procédure

Si l’employeur ne lance pas cette mesure en cas d’abandon de poste en invoquant une faute grave dans un délai de 6 semaines à compter de la mise en demeure, il n’est plus en droit de le faire. S’il y passe outre, le salarié est en droit d’invoquer ce vice de forme devant le juge et obtenir une indemnité équivalant à un mois de salaire.

6 - Les preuves invoquées par l’employeur ne sont pas valables

Dans ce cas, le licenciement sur la base d’un abandon de poste peut être contesté sur le fondement d’un licenciement injustifié. A contrario, certaines preuves peuvent être en défaveur du salarié comme ces actes : 

  • La tentative d’entrer en contact à plusieurs reprises avec son employé sans réponse de sa part ; 
  • Une demande de justification du collaborateur de ses absences demeurée sans réponse ; 
  • Une mise en demeure de reprendre son poste, toujours sans réponse. 

7 - L’abandon du salarié fait suite à une faute grave commise par l’employeur 

Le salarié se retrouve dans l’une des raisons légitimes justifiant son abandon de poste. Son licenciement sur cette base est constitutif d’un licenciement, soit sans cause réelle et sérieuse, soit nul.

8 - La présomption de démission n’est pas applicable

Cette présomption ne joue qu’en cas de départ volontaire. Ainsi, elle ne s’applique pas pour les cas suivants : 

  • L’employé est contraint d’abandonner son poste. Son départ est donc non volontaire ;
  • Motifs de santé (C. trav. art. L 1132-1) ; 
  • Motifs de sécurité, exercice du droit d’alerte (C. trav. art. L. 4131-1) ; 
  • Autres raisons légales : droit de retrait, droit de grève…

V - Quelles indemnités en cas de licenciement pour abandon de poste ?

1 - Indemnités de licenciement 

Le salarié bénéficie : 

  • De ses indemnités de licenciement, s’il y remplit les conditions (ancienneté de 8 mois, licencié en considération d’un motif personnel sur la base d’une faute simple) ;

  • D’une indemnité de préavis si le salarié effectue son préavis ; 

  • D’une indemnité compensatrice de congés payés sous conditions (ne pas avoir bénéficié de la totalité de ses congés payés auxquels il avait droit à la date de rupture de son contrat) ; 

  • D’une allocation d’aide au retour à l’emploi (ARE) versée par Pôle emploi.

À SAVOIR : en cas de faute grave : il peut percevoir une indemnité compensatrice de congés payés, d’ARE et surtout saisir le CPH aux fins de contestation de la rupture du contrat s’il y a lieu afin d’annuler le licenciement pour faute grave ou obtenir une indemnisation prévue en cas de licenciement injustifié. 

2 - Droits au chômage lorsque le collaborateur abandonne son travail

Le droit au chômage (ARE) est dû en cas d’abandon de poste à condition que l’employeur ait entamé la procédure de licenciement. À défaut, le salarié se retrouve à la fois sans rémunération et ne peut prétendre aux allocations chômage. 

NOUVEAUTÉ : en 2023, sauf motif légitime retenu par la disposition 28 de la décision n°2022-844 DC du 15/12/22, le salarié sera privé de son droit à l’ARE s’il n’a pas repris son travail après que l’employeur l’a mis en demeure de le faire.

Démarrez la procédure