Elle peut s’imposer quand le salarié est suspecté d’avoir commis une faute grave dans l’entreprise. Dans l’attente d’une solution proportionnée à son acte, il est écarté de l’organisation. Toutefois, certains employeurs n’hésitent pas à utiliser cette solution de manière excessive. Contester une mise à pied conservatoire est un recours à mener devant le Conseil de prud’hommes pour obtenir réparation en faisant valoir ses droits. 

I - Quelle est la procédure de mise à pied conservatoire ?

C’est une mesure d’éloignement temporaire du salarié de l’entreprise, ayant commis une faute d’une particulière gravité, tel un vol ; des actes de violence envers d’autres salariés…, dans l’attente d’une sanction définitive de l’employeur

Elle répond aux démarches légales prévues aux articles L.1332-2 à L1332-3 du Code du travail. Entre autres :

  1. L’existence de faits fautifs, graves, à reprocher au salarié ;

  2. L’informer par tout moyen (oral, écrit), de sa mise à pied conservatoire. Par exemple, par SMS ;

  3. Convocation à un entretien préalable du collaborateur dans un temps raisonnable en précisant l’objet de sa convocation. La lettre de convocation peut être remise en main propre contre décharge ou par lettre recommandée avec accusé de réception. (Cour cass. 13 sept. 2012 pourvoi n°11-16434, un délai de 13 jours fut considéré suffisant en raison des faits de détournement de fonds dont était accusé un salarié. Idem, dans un arrêt en date du 19 avril 2000, la Cour de cassation a estimé que la notification écrite de la mesure de mise à pied conservatoire au salarié suivant le prononcé oral de celle-ci 4 jours après constituait un délai bref) ;

  4. Entretien préalable entre les deux parties avec possibilité de se faire assister par une personne de son choix, faisant partie du personnel de l’entreprise ;

  5. Prononcé de la sanction.

Selon les articles précités, l’employeur dispose pour rendre une décision motivée d’1 jour franc minimum et d’1 mois maximum après l’entretien. Elle est ensuite notifiée au salarié.   

Toutefois, si l’employeur décide de prononcer un licenciement à l’encontre du salarié pour faute grave ou lourde, la jurisprudence a pu considérer que la fin de la mise à pied conservatoire doit être immédiatement suivie ou tout juste après de l’engagement des démarches de licenciement (article L1232-6 Code du travail) sous peine de re-qualification en sanction disciplinaire faisant échec au licenciement en raison du principe de prohibition des doubles peines. En pratique, elle est concomitante à l’engagement d’une procédure disciplinaire dont le résultat sera, soit le licenciement, soit une sanction moins sévère tel un blâme ou un avertissement.

II - Dans quelles situations celle-ci peut-elle être considérée comme exagérée ?

1 - Irrégularité de la procédure

L’article L.1332-3 du Code du travail prévoit notamment que l’employeur qui fait application d’une mise à pied conservatoire à l’égard du salarié doit respecter les règles visées à l’article L.1332-2. Ainsi :

  • L’absence d’entretien préalable ;
  • Une sanction définitive prise sans le respect des dispositions fixées à l’article L.1332-2 constituent une irrégularité. 

2 - Durée anormalement longue de ce temps suspensif

Même si le Code du travail ne prévoit pas expressément une durée légale de mise à pied, la jurisprudence (arrêt 6 juin 2013, CA BORDEAUX, Ch. Soc. SNC LIDL c/ Monsieur Vichetra X…), a pu considérer que le licenciement survenu 1 mois et 2 jours après la mise à pied conservatoire était abusif en raison de cette durée excessive.

Ainsi, ce temps anormalement long est de nature à entraîner une re-qualification en mise à pied disciplinaire. Et compte tenu du principe de prohibition des peines, le salarié ne peut être reconnu coupable deux fois pour les mêmes circonstances. Il ne peut recevoir en sus de la sanction disciplinaire pour faute, une seconde sanction au titre du licenciement pour des évènements similaires. 

3 - Mise à pied à titre conservatoire sans motif justifié

Dans certains cas, l’employeur, face au refus du salarié d’accepter une rupture conventionnelle du contrat de travail, moins avantageuse pour celui-ci, surtout en cas d’ancienneté ; ou simplement le tenir à l’écart des locaux en vue de l’empêcher de récupérer les preuves essentielles à l’exercice des droits de la défense peut utiliser cette solution de mise à pied conservatoire. L’objectif est d’ordre financier. Soit le faire « capituler » en lui faisant accepter une proposition désavantageuse, et ainsi payer moins, soit l’empêcher de faire valoir ses droits en justice faute de preuve. 

4 - Elle est disproportionnée par rapport à la gravité des faits reprochés

Le salarié peut faire face à une mise à pied conservatoire exagérée si la faute reprochée est « moindre » par rapport à la solution prise. Idem, en cas d’absence de faute. La jurisprudence a pu considérer dans certains cas que les reproches n’étaient pas fondés. Le licenciement pour faute grave ne pouvait être reconnu. 

Par exemple, dans un arrêt en date du 1er février 2017, la cour a rejeté le pourvoi de la société Olibe contre Mme [N] [A] pour licenciement abusif en l’absence de faute grave reprochée à cette dernière. Et ce, quand bien même aurait-elle fait l’objet d’une mesure disciplinaire auparavant sur la base d’un manquement à ses obligations contractuelles, et d’erreur similaire, jugé inadmissible par le requérant, à l’origine du licenciement, en raison de ses fonctions de chef de caisse adjointe. Mais compte tenu du fait que la société n’ait pas apporté suffisamment d’éléments démontrant que cette erreur a revêtu un caractère de gravité suffisant ni même justifié d’un véritable préjudice pour la société, la sanction disciplinaire prononcée pour ces agissements, en l’occurrence le licenciement, est donc disproportionné au regard des torts reprochés. (Cour cass. 1er février 2017, pourvoi n°15-24.549 formation restreinte ch. sociale).

III - Comment contester une mise à pied conservatoire ?

Quand le salarié peut-il la contester ?

Elle s’applique immédiatement. Cela signifie que le salarié ne peut demeurer dans l’organisation. En revanche, il a tout à fait le droit de contester le bien-fondé de cette mesure dès lors qu’il la considère abusive ou disproportionnée aux faits reprochés. Il peut aussi le faire concomitamment au prononcé de la sanction, à savoir dans la majorité des cas le licenciement. 

1 - La lettre de contestation du salarié adressée à l’employeur

Le salarié met en demeure son employeur de revenir sur sa décision afin de régulariser sa situation. Si ce dernier persiste dans le processus de licenciement pour faute professionnelle grave ou lourde, l’employé peut porter l’affaire devant le Tribunal de prud’hommes. 

2 - La saisine du Conseil de prud’hommes

Le salarié a 2 ans pour faire valoir ses droits devant cette juridiction prudhommale en contestant la mesure prise à son encontre. S’il obtient gain de cause, le Juge peut prononcer sa réintégration dans l’entreprise si le licenciement est injustifié (sur accord des deux parties dans ce cas) ou a été reconnu sans cause réelle ou sérieuse.

IV - Quelles sont les conséquences d’une mise à pied conservatoire reconnue comme abusive ?

1 - Indemnités pour le salarié

  Le collaborateur pourra bénéficier de certaines indemnités à la charge de l’employeur. Entre autres, une indemnité compensatrice de préavis, de congés payés, l’indemnité légale de licenciement. Idem si le licenciement résulte d’une cause réelle et sérieuse ou prononcé pour motif disciplinaire.

2 - Elle a pour effet une requalification en mise à pied disciplinaire

Contrairement à la mise à pied disciplinaire, il n’existe pas de délai légal entre le début des formalités légales engagées pour mise à pied conservatoire et sa fin. Toutefois, la jurisprudence considère que l’employeur doit respecter un laps de temps raisonnable sous peine de re-qualification en mise à pied disciplinaire, avec son lot de conséquences : l’impossibilité de licencier ou de punir deux fois son collaborateur pour les mêmes erreurs, à condition qu’il y ait de nouveaux éléments ou persistance du comportement fautif.  

3 - Paiement des salaires non versés, dommages et intérêts

L’employé peut conserver les avantages acquis avant la procédure disciplinaire selon les situations (hypothèse d’une réintégration dans l’organisation). Il a droit aussi au paiement de rappel de salaire sur la période de mise à pied conservatoire. Dans certains cas, il peut également bénéficier de dommages et intérêts. Par exemple, dans l’hypothèse où la mise à pied conservatoire a été faite publiquement, dans un procédé vexatoire. (Cass. soc. 6 janvier 2010, P. n° 08-44218).

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