Licenciement pour faute lourde : motifs, recours et indemnités
Le lien contractuel peut prendre fin à l’initiative de l’employeur en présence d’une faute lourde commise par son employé. Muni de preuve de la mauvaise foi du salarié vis-à-vis de l’entreprise, il peut engager la procédure de licenciement pour faute lourde sans tarder. Il s’agit de la plus importante sanction disciplinaire pouvant être prononcée.
I - Qu’est-ce qu’une faute lourde ?
Parmi les trois types de faute pouvant légitimer la fin d’un contrat de travail, à savoir la faute simple, la faute grave, il y a la faute lourde.
La faute lourde est associée à l’intention de nuire à l’entreprise ou l’employeur. L’intention coupable existe, elle est délibérée, encore faut-il la prouver pour justifier la rupture immédiate du contrat. Ainsi, le salarié licencié n’effectue pas de préavis en cas de faute lourde.
Quelle est la différence entre faute grave et faute lourde ?
La faute grave en termes de degré de gravité est moindre que la faute lourde. Aucune intention de nuire n’est à démontrer. À contrario, s’il y a faute lourde, l’employeur est en droit de demander des dommages et intérêts compte tenu de l’existence de faits destinés à porter atteinte à l’image de l’entreprise, ses activités ou son dirigeant. Autrement dit, la volonté du salarié de porter préjudice à l’employeur dans la commission de fait fautif (Cour de cass., civile, Ch. Sociale, 10 févr. 2021, 19-14.315, Inédit). En présence d’une faute lourde, l’employeur peut prononcer une mise à pied conservatoire suivie de son licenciement pour motif personnel.
Comment prouver la faute lourde ?
Assez difficile à prouver puisqu’il s’agit de présenter les éléments permettant de caractériser l’intention de nuire, l’employeur peut néanmoins se fonder sur des faits tangibles, concordants, tout document incriminant… En d’autres mots, des éléments réels qui ne sont pas de nature à faire peser le doute sur le caractère intentionnel du salarié de nuire à l’entreprise.
II - Quels sont les motifs de licenciement pour faute lourde ?
Il existe plusieurs cas justifiant un licenciement pour faute lourde :
-
Violence physique et menace de mort envers l’employeur (C.cass.civ.soc., 4 juillet 2018, 15-19.597, Inédit) ;
-
Blocage de licenciement pour faute grave (Cour de cassation, 3 mars 2016, Pourvoi n° 14-28.353) ;
-
Dégradation volontaire d’un outil de l’entreprise (C.cass.civ.soc., 6 décembre 2017, 16-14.195, Inédit) ;
-
Séquestration d’un membre du personnel de l’entreprise (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 2 juillet 2014, 13-12.562, Publié au bulletin) ;
-
Divulgation d’informations secrètes ou confidentielles avec intention de nuire vaut faute lourde pour manquement à son obligation de discrétion (C.cass.soc., 30 juin 1982, n° 80-41.114) ;
-
Manquement à l’obligation de loyauté : Dans une espèce, la Cour de cassation a pu estimer que la situation de conflits d’intérêts dans laquelle se trouvait un salarié à l’égard de son employeur caractérisée par la dissimulation du salarié de son intérêt personnel dans la réalisation d’opérations financières mettant en cause le fonctionnement de l’entreprise était de nature à constituer un manquement à son obligation de loyauté. Et par là même, sa volonté de faire prévaloir son intérêt sur celui de son employeur. L’intention de nuire était caractérisée. (C.cass.civ.soc., 10 février 2021, 19-14.315, Inédit). Elle peut aussi prendre la forme d’un acte déloyal de détournement de clientèle par le salarié au profit d’un concurrent, mais dans ce cas la faute intentionnelle doit être prouvée, sans quoi l’employeur ne pourra retenir qu’une faute grave pour prononcer le licenciement du salarié qui a détourné sa clientèle.
III - Quelle est la procédure de licenciement pour faute lourde ?
1 - Mise à pied à titre conservatoire
Prévue par l’article L1332-3 du Code du travail, cette mesure provisoire vise à tenir à l’écart le salarié de l’entreprise dans l’attente de son licenciement pour cause réelle et sérieuse (article L1232-1 et suiv. du Code du travail), à savoir la faute lourde.
2 - Convocation du salarié à un entretien préalable de licenciement
Il est convoqué à un entretien préalable avant toute décision de licenciement (article L1232-2 c. du travail) par le biais d’une lettre recommandée avec accusé de réception ou remise en main propre contre décharge. Elle doit comporter certaines mentions obligatoires : objet de la convocation, lieu de l’entretien, assistance du collaborateur.
3 - Entretien préliminaire à des fins de rupture du contrat de travail
Cet entretien peut avoir lieu a minima 5 jours ouvrables après l’envoi de la lettre recommandée avec AR ou remise en main propre. L’employeur, au cours de cet entretien, donne les motifs de sa décision et invite le salarié à faire part de ses explications qui peut se faire assister d’un collègue ou d’un représentant du personnel (délégué CSE ou syndical) ou d’un conseiller salarié (en l’absence d’IRP).
4 - Notification du licenciement
Postérieurement à son audition, l’employeur, une fois la certitude de licencier le salarié, lui notifie sa décision au minimum deux jours après l’entretien préalable au licenciement (article L1232-6 C. du travail).
5 - Remise des documents de fin de contrat
Une fois le lien contractuel rompu, l’ancien employeur remet au salarié son certificat de travail, le reçu pour solde de tout compte ainsi qu’une attestation Pôle emploi pour faire valoir ses droits au chômage.
ATTENTION : la procédure prévue par la convention collective ou l’accord de l’entreprise peut être différente de celle qui est légale.
IV - Comment contester un licenciement pour faute lourde ?
1 – La lettre de contestation de la mise à pied conservatoire
Le collaborateur peut contester cette mesure en adressant un courrier à son employeur. Toutefois, il ne peut se maintenir dans les lieux.
2 - La demande de précisions sur le motif de licenciement après sa notification
En vertu de l’article R1232-13 du Code du travail, le salarié peut, par lettre recommandée avec AR, demander à son employeur des précisions sur le motif de licenciement dans un délai de 15 jours, postérieurement à la notification de son licenciement.
L’employeur peut, s’il le souhaite, y répondre dans un délai de 15 jours également par lettre recommandée avec AR ou remise contre récépissé.
3 - Les 3 motifs de contestation que le salarié peut invoquer
Motif 1 - Irrégularité de la procédure de licenciement
Si l’employeur n’a pas respecté les démarches légales de licenciement (ex : vices de forme de la convocation à l’entrevue préliminaire…), le salarié est en droit d’invoquer une irrégularité de la procédure. On parle alors de licenciement irrégulier. Néanmoins, celle-ci n’est pas de nature à empêcher son licenciement en présence d’une cause réelle et sérieuse. Il peut toutefois obtenir une indemnité n’excédant pas 1 mois de salaire.
Motif 2 - Faute lourde injustifiée ou sans cause réelle et sérieuse
Le salarié peut saisir le Conseil de prud’hommes s’il estime n’avoir pas commis de faute lourde. Cependant, il revient aux Juges d’apprécier la nature de la faute et donc sa gravité, compte tenu des faits reprochés. Il peut espérer une indemnité de licenciement ou sa réintégration dans l’entreprise sous conditions.
Motif 3 - Les faits fautifs dénoncés sont prescrits
En vertu de l’article L1332-4 du Code de travail, la direction de la société qui emploie le collaborateur dispose de 2 mois, à compter du jour où elle a eu connaissance de ces agissements fautifs, pour lancer une telle sanction à son encontre. Au-delà de ce délai, il y a prescription.
4 - Recours devant les prud’hommes
Le salarié peut contester l’existence de la faute lourde en saisissant le Conseil de prud’hommes. Il revient aux Juges d’analyser la faute reprochée et de se prononcer sur son licenciement.
Quelles conséquences si la faute lourde n’est pas reconnue par le Juge ?
À défaut de faute, ils peuvent prononcer un licenciement sans cause réelle et sérieuse, c’est-à-dire injustifié. Dans ce cas, le salarié est indemnisé. Sa réintégration dans l’entreprise n’est en revanche pas de droit.
V - Quelles sont les conséquences d’une faute lourde avérée pour le salarié ?
1 - La perte de certaines indemnités de licenciement
Quelle indemnité pour une faute lourde ?
Le salarié licencié pour faute lourde perd ses indemnités de licenciement, ainsi que son indemnité de préavis.
A contrario, il conserve son indemnité compensatrice de congés payés s’il remplit les conditions (n’a pas bénéficié en totalité de ses congés payés auxquels il avait droit à la rupture de son contrat), ainsi que ses droits au chômage. Il conserve néanmoins la contrepartie prévue en cas de clause de non-concurrence (C.cass, 21 avril 2022, Pourvoi n° 20-22.379).
2 - Le versement de dommages et intérêts à l’entreprise qui l’emploie
L’une des particularités de la faute lourde si elle est reconnue, c’est la possibilité offerte à l’employeur de réclamer des dommages et intérêts à son ancien salarié. En raison de la volonté de nuire qui est préjudiciable à l’employeur et/ou l’entreprise.
3 - Maintien du droit au chômage
Le salarié bénéficie de son droit au chômage même s’il a été licencié pour faute lourde puisque la rupture du contrat n’est pas de son fait. Il a été privé de travail. Par conséquent, ses droits sont maintenus.
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