Le motif de licenciement invoqué doit revêtir un caractère réel et sérieux. Les agissements reprochés au salarié doivent être réels, objectifs. Une incompatibilité d’humeur entre salariés ou avec un supérieur hiérarchique doit être corroborée par des éléments tangibles, non subjectifs (matériels vérifiables), pour justifier la procédure de licenciement pour motif personnel. À défaut, il est question d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

I - Qu’est-ce que l’incompatibilité d’humeur au travail ?

L’incompatibilité d’humeur au travail se traduit par des relations professionnelles tendues, voire conflictuelles entre un salarié et ses collègues ou avec un supérieur hiérarchique qui peut être son employeur. Leur opposition constante peut engendrer un climat social nocif de travail au sein de l’entreprise. Encore faut-il que ce comportement soit justifié par des faits vérifiables comme : des altercations, des contradictions à répétition dans ses rapports avec les autres, des propos de dénigrement

II - Peut-on licencier un salarié pour incompatibilité d’humeur ?

A - Dans quels cas une incompatibilité peut-elle conduire au licenciement ?

1 - Cause réelle et sérieuse

Le licenciement pour cause réelle et sérieuse s’entend des raisons légitimes ayant conduit l’employeur à rompre le contrat de travail. La cause doit être licite, c’est-à-dire non fondée sur des critères prohibés par la loi et reposer sur des faits exacts, existants, objectifs et sérieux, selon la Cour de cassation. Une incompatibilité d’humeur peut conduire au licenciement si cette mésentente entre un salarié et un collègue et/ou un supérieur hiérarchique ou état de fait se traduit par un comportement objectivé susceptible de constituer en lui-même une cause réelle et sérieuse de licenciement (Cour de cassation, 22 mars 2017, Pourvoi n° 13-11.742). En d’autres termes, la situation d’incompatibilité d’humeur se traduisant par le caractère affirmé d’un salarié, simplement corroboré par un ressenti purement subjectif, voire imprécis, ne suffit pas à établir la cause réelle et sérieuse de licenciement.

2 - Perte de confiance

Selon la jurisprudence, la perte de confiance de l’employeur envers son salarié ne peut jamais à elle seule constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement en l’absence d’énonciation d’éléments objectifs, vérifiables. (C.Cass.soc. 14 janv. 1998, pourvoi n°96-40.165, publié au bulletin).

La liberté d’expression du salarié ne doit pas être utilisée de manière abusive, celui-ci dispose d’une obligation de discrétion vis-à-vis de son entreprise (secret de fabrication…).

3 - Mésentente professionnelle

Dans une espèce, les Juges ont pu estimer que :

  • Lorsqu’elle est imputable à un salarié et que les agissements sont matériellement vérifiables par des preuves rapportées par l’employeur conformément à son rapport d’enquête (en l’absence d’investigations illicites) ;

  • Et étayées par le compte-rendu de réunion des délégués du personnel, à savoir des dissensions compromettant la bonne marche de l’entreprise liées aux propos désobligeants du salarié à l’égard du personnel et de la direction, alors ces circonstances objectivement établies peuvent caractériser la cause réelle et sérieuse (Cour cass., Civ., Ch. Soc, 20 janv. 2010, pourvoi n° 08-41.004, inédit).

À défaut, les simples divergences de point de vue, mésentente, ne peuvent constituer à elles seules une cause réelle et sérieuse de licenciement.

4 - Insubordination

Sauf désobéissance légitime, selon la jurisprudence, les actes d’insubordination peuvent constituer une faute et être constitutifs d’une cause réelle et sérieuse de licenciement.

Ainsi, une incompatibilité d’humeur caractérisée par ce fait fautif est de nature à légitimer la rupture du contrat (Cour de cassation, chambre sociale, 11 octobre 2000, n° 98-41.183).

Par exemple, critiquer systématiquement les orientations stratégiques, commerciales d’un supérieur hiérarchique et défier à chaque fois son autorité (Cass. Soc. 21 octobre 2020, pourvoi n°19-15.453).

5 - Mauvaise conduite au travail

Ils peuvent directement découler d’une incompatibilité d’humeur, de sorte qu’en présence de circonstances objectives (violences, injures, sabotage de machines…), cette faute peut être sanctionnée par l’employeur.

6 - Insuffisance professionnelle

En général, les insuffisances d’un salarié dans les missions à réaliser découlant de son contrat de travail peuvent être sanctionnées sur la base d’un licenciement non disciplinaire. C’est le cas si les erreurs commises résultent d’une incompétence ou insuffisance (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 6 avril 2022, 20-22.055, Inédit).

Cependant, la négligence fautive est considéré comme un manquement professionnel se traduisant par la mauvaise volonté délibérée du salarié ayant entraîné la mauvaise exécution des tâches réalisées constitue une faute et peut justifier un licenciement disciplinaire.

B - Comment l’employeur peut-il prouver celle-ci ?

Les motifs invoqués dans la lettre de licenciement doivent être clairs, vérifiables et précis. L’employeur doit donc être en possession de preuves solides, tels des témoignages du personnel de l’entreprise, son rapport d’enquête, mettant en lumière l’attitude du salarié envers ses collègues et/ou sa hiérarchie, les répercussions pour la bonne marche de l’entreprise ; que les faits allégués et prouvés soient bien imputables à l’employé à licencier et avoir une incidence sur le bon fonctionnement de l’entreprise.

C - Procédure de licenciement pour mésentente

Cette procédure de licenciement obéit aux règles strictes du Code du travail, à savoir l’article L1232-1 et suivants :

  1. Elle débute par une convocation à un entretien préalable au licenciement. La lettre indiquant l’objet de la convocation peut être envoyée en recommandé avec accusé de réception ou remise en main propre contre décharge ;

  2. L’entretien préalable a lieu au moins 5 jours ouvrables après la présentation de la lettre au salarié. Le jour J, ce dernier peut être assisté par une personne faisant partie du personnel de l’entreprise ou par un conseiller extérieur connu sous l’appellation de conseiller du salarié. Les parties sont invitées à dialoguer. Au salarié de défendre ses intérêts en rebondissant sur les faits reprochés ;

  3. L’employeur fait part de sa décision au salarié en la lui notifiant par lettre recommandée avec avis de réception en précisant le/les motif(s) de licenciement. Il doit respecter un délai minimum de deux jours ouvrables pour l’en informer ;

  4. L’exécution du préavis est prévue à défaut de faute grave ou lourde.

III - Comment contester un licenciement pour incompatibilité d’humeur ?

Le salarié qui estime que les faits reprochés ne sont pas caractérisés, ne sont pas de nature à justifier une telle sanction ; sont insuffisants pour caractériser une cause réelle et sérieuse peut saisir le CPH dans un délai d’un an à compter de la notification de son licenciement pour contester cette sanction. Si les Juges font droit à sa demande, à savoir que le motif de licenciement invoqué par l’employeur n’est pas valable, et prononcent un licenciement sans cause réelle et sérieuse, ce dernier pourra bénéficier des indemnités prud’homales selon le barème Macron.

À NOTER : la représentation du salarié par un avocat est optionnelle durant l’audience prud’hommale de première instance.

IV - Quelles sont les solutions alternatives au licenciement en cas de mésentente au travail ?

Il revient à l’employeur de prendre les mesures utiles pour assurer un cadre idéal de travail au sein de l’entreprise. Si le licenciement n’est pas envisagé ou envisageable, il peut :

Tenter une médiation ou une conciliation entre les parties. Le but est de ne pas prendre position pour l’une ou l’autre des parties. Mais de les écouter et trouver un terrain d’entente. L’objectif est de désamorcer le conflit entre elles.

L’employeur peut aussi faire usage de son pouvoir disciplinaire pour sanctionner l’attitude fautive de son salarié : opter pour un avertissement, une mutation, …

Enfin, si les parties le souhaitent, elles peuvent opter pour la rupture conventionnelle.

V - À quelles indemnités peut prétendre le salarié licencié pour mésentente ?

Le salarié a droit à ses indemnités de licenciement à savoir :

  • L’indemnité légale de licenciement ;
  • L’indemnité compensatrice de préavis, (sauf licenciement pour faute grave ou lourde) ;
  • L’indemnité compensatrice de congés payés ;
  • Éventuellement une indemnité de non-concurrence ;
  • Ainsi que ses allocations chômage.

ATTENTION : pour bénéficier de l’indemnité légale de licenciement, il doit avoir au minimum 8 mois d’ancienneté dans l’entreprise. Et être lié à son employeur par un contrat de travail à durée indéterminée (CDI). Le calcul du montant à allouer tient compte à la fois de son ancienneté, ainsi que de sa rémunération brute.

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